Petits-enfants, enfants, neveux, nièces, enfants de votre entourage : que faire quand ils s’ennuient ?
J'adore recevoir mes petits-enfants. Je suis régulièrement sollicitée et la plupart du temps (sauf quand j'ai des obligations...ben oui, quoi...une mamie a d'autres centres d'intérêts que ces p'tits korrigans aussi mignons soient-ils !!!!), la plupart du temps, disais-je, je réponds "présente" et je me délecte de leur concocter des activités.
MAIS........
Entre toutes ces activités organisées (lors de vacances ou de temps péri-scolaires), nos chers enfants ont tendance à tourner en rond et le :
"Mamou, peux-tu venir jouer avec moi ? "(alors que je viens juste de me recentrer sur moi après deux heures d'activités communes)
ou le
"Mamou, je m'ennuie"
sont considérés par bien des parents comme le signe d'un appel auxquels nous devons nous, les adultes, répondent absolument.
Je voudrais m'inscrire en faux contre cette tendance qui consiste à croire que l'ennui dont se plaindrait un enfant serait une négation de l'éducation.
Je me souviens de mon enfance vécue dans une société où nos parents n'étaient pas aussi boulimiques de ces activités extra-scolaires. L'ennui était, pour nous, une source d'inspiration et nous projetait dans des jeux inventés, des scènes imaginaires que nous construisions avec peu de jouets mais des ressources créatives prodigieuses.
J'ai voulu faire ce cadeau à mes petits-enfants et régulièrement je leur offre ce temps de l'imaginaire, du jeu libre sans support pré-établi. Ils ont à leur disposition un buffet rempli de carton, papier, raphia, papier crépon, serviettage, colle, cure-pipes, perles, peintures, feutres, crayons de couleurs, ciseaux et objets de récup. de toutes sortes etc..., une malle remplie de déguisements et vieux vêtements sans oublier les anciens jouets de leurs parents . J'ai pu constater que cela marchait d'autant mieux qu'ils n'avaient pas pris l'habitude d'une consommation excessive de télé ou de jeux vidéo (ah la sacrée D.S.!). Il est vrai que les enfants téléphages manquent plus de créativité et se plaignent davantage de l'ennui quand ils sont livrés à eux mêmes.
Je suis heureuse aujourd'hui de voir ce point de vue conforté par Etty Buzyn,
psychanalyste et psychothérapeute, spécialiste de la petite enfance.
Ses propos sont recueillis par Emmanuelle Sampers-Gendre pour le magazine Toboclic, le 11 octobre 2011.
"Comment expliquez-vous que certains enfants, face à l’inactivité, se sentent démunis ?
Etty Buzyn : Les enfants grandissent dans une société qui ne les laisse plus prendre leur temps et jouer librement. L'école, les activités en tout genre, mais aussi Internet et les jeux vidéo : tout concourt à les occuper et à leur donner l'illusion qu'ils jouent.
Or, le vrai jeu, c'est le jeu libre, celui que l'on invente soi-même, sans cadre, sans horaire ni gadget électronique. Ce jeu libre de toute contrainte, les enfants d'aujourd'hui n'ont plus l'habitude de l'investir. Alors, dès que leur rythme ralentit et qu'aucune activité “programmée” ne se présente à eux, ils sont comme en roue libre, livrés à eux-mêmes, sans ressources. Ils ne savent plus comment s'occuper.
Comment réagir ? Peut-on laisser son enfant s’ennuyer un peu ?
E. B. : On peut et on doit laisser son enfant s'ennuyer, car l'ennui est un processus psychique très important. En effet, lorsqu'il s'ennuie, l'enfant cesse d'être actif et se reconnecte avec lui-même. Il prend le temps de ressentir ses émotions et ses sentiments. Il fait des découvertes essentielles sur sa capacité à inventer une histoire, à imaginer un jeu, à se fabriquer un monde rien qu'à lui.
L'enfant développe alors sa créativité et son autonomie. Il apprend à combler seul ses besoins sans avoir recours à ses parents. C'est une qualité essentielle qui lui permettra à l'âge adulte de se prendre en main et de rebondir quelle que soit la situation.
Que dire, concrètement, à son enfant s’il répète en boucle : “J’sais pas quoi faire” ?
E. B. : Dans les premiers temps, le parent peut accompagner son enfant dans une exploration de lui-même. Il lui propose, par exemple, de s'allonger et de fermer les yeux et lui dit : “Laisse venir tes rêves. Joue avec tes idées. Tu vas découvrir plein de choses par toi-même.”
Le parent peut aussi aider son enfant à entrer dans le jeu en lui suggérant d'imaginer un scénario à l'intérieur duquel il jouera un rôle. C'est important pour l'enfant de se créer ainsi son propre monde. Cela lui permet de s'évader de la réalité et d'échapper, le temps du jeu, à l'autorité de ses parents ! Et cela fonctionne bien. En quelques minutes, l'enfant est accaparé par son histoire et ses personnages. Le parent peut alors s'éclipser.
Il est également intéressant de toujours laisser à la portée de l'enfant du matériel de récupération comme des boîtes, du carton, des bouts de tissu ou encore de vieux habits. Moins l'objet est défini, plus l'enfant peut y projeter sa créativité."